Mettre davantage de « nous » dans la TCC

Un corpus solide de recherches empiriques souligne le rôle central des relations interpersonnelles dans le développement et le maintien de divers troubles psychologiques. Pourtant, les modèles traditionnels de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) ont historiquement privilégié les processus intrapersonnels — tels que les cognitions inadaptées, la dérégulation affective et les schémas comportementaux dysfonctionnels. Il existe toutefois une reconnaissance croissante du fait que les relations d’une personne ne sont pas seulement affectées par ses difficultés psychologiques, mais qu’elles en constituent également des causes et des facteurs de maintien. Malgré cela, la formation et la pratique en TCC portent souvent une attention insuffisante à l’évaluation du contexte relationnel plus large, à l’intégration de ces dynamiques dans les conceptualisations de cas, ou à leur ciblage direct dans le traitement.

Certains modèles de TCC intègrent néanmoins des facteurs interpersonnels dans la genèse et le maintien des troubles. Par exemple, les théories cognitives de la psychopathologie proposent que les schémas inadaptés émergent généralement d’expériences interpersonnelles précoces et sont renforcés ou réactivés dans les contextes relationnels actuels. Ces croyances influencent à leur tour la manière dont les individus interprètent le comportement d’autrui, régulent leurs émotions et agissent dans leurs interactions sociales. Néanmoins, les interventions cognitives traditionnelles demeurent largement centrées sur l’individu — utilisant des outils comme le dialogue socratique et la restructuration cognitive pour cibler les pensées internes.

La théorie biosociale de Linehan, par exemple, avance qu’un environnement interpersonnel invalidant durant l’enfance constitue un facteur critique dans le développement du trouble de la personnalité limite (TPL). La thérapie comportementale dialectique (TCD), traitement de référence pour le TPL, inclut des habiletés d’efficacité interpersonnelle comme composante centrale. Cependant, ces habiletés sont généralement enseignées à l’individu plutôt que pratiquées en présence de proches, limitant ainsi la portée du travail direct sur les dynamiques relationnelles.

Les avancées récentes de la TCC intègrent de plus en plus les dimensions interpersonnelles dans la théorie et la pratique. Une innovation importante est la thérapie cognitivo-comportementale de couple pour le trouble de stress posttraumatique (TCC-C pour le TSPT), que j’ai codéveloppée. Fondée sur une théorie cognitivo-comportementale interpersonnelle du rétablissement post-traumatique, cette approche vise à traiter à la fois les symptômes individuels et le fonctionnement dyadique en impliquant les partenaires intimes ou des proches dans le processus thérapeutique. Ce modèle reconnaît que le traumatisme et le TSPT résonnent dans les relations proches et que l’amélioration de la communication ainsi que l’intégration du partenaire dans le traitement cognitif du traumatisme peuvent être des leviers puissants de changement. Des essais contrôlés randomisés ont démontré l’efficacité de la TCC-C pour le TSPT dans la réduction des symptômes, l’amélioration de la satisfaction conjugale et le bien-être du partenaire. Cette approche s’inscrit dans une famille plus large de TCC de couple ou familiales spécifiques à un trouble, développées pour la dépression, la consommation de substances, le trouble panique, les troubles alimentaires et le trouble bipolaire.

Même si vous n’avez pas actuellement l’intérêt ou la formation pour offrir des TCC de couple ou familiales, il existe de nombreuses façons d’enrichir votre pratique individuelle en adoptant une perspective interpersonnelle. Une évaluation approfondie des relations de votre client peut révéler des facteurs facilitateurs et des obstacles au changement, permettant d’adapter plus finement les interventions. Les évaluations collatérales peuvent également dévoiler des éléments que le client ignore ou hésite à mentionner – comme la consommation de substances ou la recherche excessive de réassurance – et approfondir ainsi la conceptualisation de cas.

Fournir de la psychoéducation aux proches concernés peut aussi favoriser la compréhension et accroître le soutien envers des interventions parfois contre-intuitives (p. ex. les exercices d’exposition). Ces informations relationnelles peuvent ensuite nourrir les expériences comportementales, la formation à la communication et à l’affirmation de soi, ainsi que les interventions cognitives centrées sur les schémas interpersonnels. La recherche démontre que l’amélioration du fonctionnement interpersonnel ne réduit pas seulement la détresse relationnelle, mais favorise aussi l’engagement thérapeutique et les résultats à long terme.

La prochaine génération de modèles et de praticiens en TCC tend vers des approches plus relationnelles – ajoutant davantage de « nous » à des modèles historiquement centrés sur le « moi ». En tant que cliniciens et chercheurs, nous devons continuer à relier les sphères intra et interpersonnelles afin de mieux comprendre et traiter les difficultés psychologiques. Comme le rappelle la théorie du social baseline, nous sommes fondamentalement faits pour la connexion – et nos interventions devraient en tenir compte.

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